Noémie Dubé
Noémie Dubé poursuit un doctorat en Études littéraires, avec une concentration en Études féministes, à l’Université du Québec à Montréal. Passionnée de plantes réelles comme imaginaires, elle explore notamment comment la sorcellerie et les autres spiritualités magico-immanentes ouvrent des voies de reconnexions privilégiées avec ces dernières et avec nos environnements de manière générale. S’intéressant par ailleurs aux enjeux de biodiversité en milieux urbains, elle publiera bientôt Chants des possibles, un texte créatif porté par les voix de cinq plantes citadines. Impliquée dans le groupe de recherche L’Imaginaire botanique depuis 2019, elle participe actuellement, en compagnie de Rachel Bouvet, Stephanie Posthumus et Jean-Pascal Bilodeau, à la rédaction d’un essai collectif qui présentera une synthèse de plusieurs années de réflexion autour de quatre grandes figures végétales: l’herbier, le jardin, le champ et la forêt. Proposant un angle d’approche innovateur – celui de la mobilité des plantes – cet ouvrage s’appuie sur un vaste corpus d’œuvres francophones contemporaines en vue de démontrer comment les littératures participent à redynamiser nos rapports avec le végétal. Parallèlement, Noémie s’implique au sein du comité de rédaction de la revue FéminÉtudes, où elle travaille au développement de deux carnets de recherche, en collaboration avec l’Observatoire de l’Imaginaire Contemporain.
Présentation de Projet
Des luttes de justice environnementale aux écoféminismes, en passant par les résurgences Autochtones, toujours plus de mouvements d’émancipation affirment que libérations humaines et autres qu’humaines sont intrinsèquement liées. Contre les divisions rigides qui effacent les relations en nous mettant à distance de nos environnements et sensibilités, contre les frontières arbitraires qui réduisent l’altérité à une menace à maitriser ou à exterminer, ces discours célèbrent la fluidité et l’hybridité, recentrent les valeurs des immanences: la réciprocité, l’interconnexion, le mouvement, l’empowerment. Travaillant à changer nos consciences, ils rétablissent les résonances entre soi et le monde, nous aident à retrouver notre place au sein de nos interdépendances tant sociales qu’écologiques. Autrement dit, ils nous réancrent dans les domaines de la magie – l’art de changer de conscience pour créer des changements dans la réalité. Les littératures relèvent elles aussi de cet art en ce qu’elles remettent nos regards en mouvement, offrant des lieux de rencontre privilégiés entre une pluralité de points de vue humains comme autres qu’humains, d’expériences et de possibles à même d’influencer nos perceptions et agissements. Ainsi, comment littératures et magie participent-elles, par leur recherche active d’autres formes, d’autres manières de dire, d’être et d’entrer en relation, à ouvrir des espaces où des dialogues, des solidarités peuvent se construire, où des (re)connexions peuvent s’opérer? Comment contribuent-elles à cultiver les facultés empathiques et attentionnelles cruciales aux relations vraies et réciproques par-delà les différences, aussi radicales soient-elles? Comment canalisent-elles les potentialités spéculatives et relationnelles en germe dans nos imaginaires pour réenchanter nos rapports au réel et stimuler l’invention de possibles autres et autrement?
Pour réfléchir à ces questions, ce projet de recherche-création tissera un réseau dynamique de rencontres littéraires, spirituelles, politiques et théoriques. Résolument transdisciplinaire, il alliera écoféminismes, approches environnementales, études Autochtones, féminismes Noirs et Chicanas pour multiplier les dialogues entre cinq œuvres émanant de positionalités diversifiées. Partant de la sorcellerie pour aller à la rencontre des ontologies magico-immanentes mises en scène dans les textes, il s’agira, d’une part, d’illuminer comment toutes reposent sur une attention fine aux rythmes et interrelations dynamiques présentes dans la nature. D’autre part, il s’agira d’explorer comment ces œuvres, en nous donnant accès à des expériences et points de vue autres, ouvrent de nouvelles voies de reconnexion avec nos environnements. Poursuivant cet élan spiralaire entre préoccupations socio-environnementales, magie et littératures, des fragments créatifs inspirés de relations réelles – avec des plantes, des lieux, des animaux, etc. – développées à travers ma propre pratique sorcière doubleront les analyses littéraires et questionnements théoriques d’une dimension pragmatique.