Clément Mazeran
Élève normalien en design à l’ENS Paris-Saclay, stagiaire pré-doctoral au Centr’ERE sous la supervision d’Isabel Orellana. Sa maîtrise mobilisait recherche-action et auto-ethnographie pour explorer la dimension politique des pratiques d’autoconstruction dans les mouvements militants écologiste et altermondialiste. Un questionnement rejoignant son apprentissage des métiers du bois et de la forêt par son investissement depuis 2017 auprès de communautés (ZADs), et d’associations (Réseau pour les Alternatives Forestières).
Il souhaite désormais prolonger et mobiliser ces expériences dans un projet de thèse interrogeant les relations entre humain et non-humain par le prisme des métiers de la filière forêt/bois. Gestes, outils, et environnements socioculturels de chaque pratique, façonnent diverses ontologies reliées par un même élément : le bois. Cette recherche associant design ontologique et écoformation, fondée sur la collaboration avec les praticien.nes, souhaite expliciter et développer la portée écoformatrice et ontopoïétique de leurs expériences singulières du bois.
La crise écosystémique de l’anthropocène est symptomatique d’une déshabitation du monde (Louart 2022) : L’universalisme exclusif et anthropocentré-centré de la modernité appauvrit notre sensibilité et responsabilité envers le non-humain (Morizot 2020). Il délègue nos rapports avec le vivant à une économie et une industrie fondées sur une exploitation systématique des écosystèmes, adossée à leur protection sentimentaliste et superficielle. Dépasser ce paradigme d’exploitection (Stépanof 2021) ne pourra se faire sans la réappropriation et conscientisation des dimensions politique et relationnelle du travail au quotidien (Pruvost 2017).
Associant Design ontologique (Escobar 2018) et Education Relative à l’Environnement, ce projet de recherche explore la dimension écoformatrice et ontopoïétique de l’agir (Pineau 2023). Mobilisant une démarche de recherche-action située et collaborative impliquant des communautés de praticiens et d’apprenants, et s’inscrivant dans le dialogue entre épistémologies pratiques et scientifiques, ce projet investit la diversité des métiers et pratiques du bois et de la forêt entrecroisées tout au long de sa filière.
La multiplicité et la densité des manières d’être de cet élément hétérogène, tantôt être vivant, matériau naturel, ou objet domestique, et la richesse des gestes, techniques, et enjeux socio-écologiques qui animent l’agir à son contact, font du bois un compagnon idéal pour s’aventurer au-delà du dualisme naturaliste.
En cherchant à faire s’exprimer chaque perspective dans un espace commun où puisse s’établir un dialogue entre ces différentes ontologies, un mondialogue (Nicolescu 1996), cette recherche vise à faire émerger une dynamique de régénération des communautés humaines et non-humaines (Escobar 2020). Le bois, fil directeur et charpente de ce projet, constitue un support tangible, lien et témoin d’une mémoire collective où s’inscrit l’action de chacun, donnant ainsi à percevoir l’émergence d’un monde commun.
Au-delà d’une éco-responsabilisation, il s’agit d’accompagner un changement de perspective, dans la formation initiale et continue des praticiens du bois, depuis un imaginaire fondé sur l’exploitation/production vers une posture d’attention/collaboration avec les écosystèmes (Logé 2019; Kazic 2022).
Bibliographie indicative
Escobar Arturo, 2020, Autonomie et design: La réalisation de la communalité, Toulouse, EuroPhilosophie Éditions.
Escobar Arturo, 2018, Sentir-penser avec la Terre: l’écologie au-delà de l’Occident, Paris XIVe, Éditions du Seuil.
Kazic Dusan, 2022, Quand les plantes n’en font qu’à leur tête: concevoir un monde sans production ni économie, Paris, les Empêcheurs de penser en rond-la Découverte (coll. « Les empêcheurs de penser en rond »).
Logé Guillaume, 2019, Renaissance sauvage: l’art de l’anthropocène, Paris, Puf, 221 p.
Louart Bertrand, 2022, Réappropriation, Le Batz, La Lenteur.
Morizot Baptiste, 2020, Manières d’être vivant: enquêtes sur la vie à travers nous, Arles, Actes Sud (coll. « Mondes sauvages »).
Nicolescu Basarab, 1996, « LA TRANSDISCIPLINARITÉ », 1996, p. 98.
Pineau Gaston, 2023, GENÈSE DE L’ÉCOFORMATION, Du préfixe éco au vert paradigme de formation avec les environnements, Paris, L’harmattan (coll. « Écologie et formation »).
Pruvost Geneviève, 2017, « Critique en acte de la vie quotidienne à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (2013-2014) », Politix, 2017, n° 117, no 1, p. 35.
Stépanof Charles, 2021, L’animal et la mort, La découverte., Paris.
