Christine Ouellet
Christine Ouellet est artiste et chercheuse en arts céramiques et nouveaux médias. Elle est détentrice d’un baccalauréat en arts visuels (nouveaux médias) ainsi que d’une maîtrise par cumul en art et esthétique de l’UQTR. Elle est présentement candidate au doctorat en études et pratiques des arts à l’UQAM à la thèse-création. Elle enseigne à la Maison des métiers d’art de Québec au programme collégial en céramique et à l’UQTR au département de la philosophie et des arts. Ses œuvres et ses recherches ont été diffusées lors de biennales d’art, d’expositions individuelles et collectives ainsi que dans le cadre de résidences de création au Québec et en France. Elle est récipiendaire de bourses, notamment celles d’initiation à la recherche au 1er cycle du FRQSC et de recherche-création au CALQ. En 2020, elle a pris part à la table ronde de l’événement La nuit des idées ayant pour thème Être vivant à l’ère de l’écoanxiété. Dans le cadre de la 6e édition du congrès Time World, elle a fait état de ses recherches sur ce que peut signifier devenir argile dans une pratique en arts céramiques. Présentement, elle se prépare à un perfectionnement en cinéma documentaire avec Jacquelyn Mills, réalisatrice de Geographies of Solitude (2022).
Projet de recherche
Mon projet de thèse-création s’inscrit dans la foulée des défis environnementaux. Artistes et chercheurs se mobilisent pour la suite du monde[1]. Certains déplorent « les dysfonctionnements entre notre société et le système naturel » (Ramade, 2007, p.32). D’autres emploient la stratégie du care (Ardenne, 2019) comme outil de réparation. Les moyens de palliation sont multiples : revalorisation de pots cassés (Santini, 2019); restauration symbolique d’un lac asséché (Vanden Eynde dans Beckenstein, 2020); considération de l’art comme agent de transformation de nos sociétés (Bourriaud, 2021). La conjoncture semble paver la voie à un changement de paradigme de l’art (Heinich, 2014) et de nos façons de cohabiter avec le vivant (Haraway, 2007).
Ces dernières années, j’ai produit une quantité importante d’œuvres composées de milliers d’éléments de céramique, plaçant ma pratique dans une situation insoutenable. Cette tension trouve écho dans le courant de pensée de l’écosophie qui imbrique « l’environnement, [les] rapports sociaux et […] la subjectivité humaine » (Guattari, 1989, p.13). Conséquemment, j’articule mon projet autour du reconditionnement de ma pratique d’artiste céramiste par un processus de filiation à l’argile en tant que métaphore de la Terre. Cet enracinement à la matière s’accompagne d’un retour à mes origines. Bien vivante, l’argile me renseigne à la fois sur sa constitution et sur la mienne. Cette posture écologique et attentionnelle va au-delà de mes choix d’approvisionnement et des procédés de fabrication de mes œuvres. Il est question de revoir mon approche de la matière que j’ai dorénavant du mal à nommer matériau. Je m’intéresse à son milieu de vie et au respect qu’elle instaure à son contact. L’expérience de terrain, c’est « se laisser instruire par le monde » (p.20) nous dit Tim Ingold (2017). Dans le sillage de l’anthropologue, je me demande dans quelle mesure l’expérience sensible du lieu et de la matière peut soutenir le renouveau que je cherche à insuffler à ma pratique. Je me questionne sur de nouvelles façons de présenter l’avancement de mes recherches. Je m’intéresse notamment à la transposition d’une forme d’art à une autre ainsi qu’à l’approche documentaire de mon processus de prospection et de collecte. Mon intention est d’archiver des traces sonores et photographiques de mes excursions sur le terrain et d’expérimenter leur mise en relation avec mes artefacts inspirés du milieu de vie de l’argile.
[1] Titre évocateur du film documentaire de Pierre Perrault et Michel Brault réalisé en 1962 et produit par l’Office national du film.
