Publication |« Post-Scriptum », un texte de Domingo Cisneros.

Suite à la publication du recueil La Guerre des fleurs-Codex Ferus (Mémoire d’encrier, 2016), l’artiste visuel et écrivain Domingo Cisneros, chercheur au GRIVE, partage un texte à la gloire du maïs et de ses soeurs, sans oublier les Nations des champignons! Texte qu’il dédie à la poète Laure Morali pour son rôle déterminant dans l’émergence de la littérature autochtone. 

Pour Laure Morali

Parce qu’ils nous ont fait vivre pour nous massacrer ensuite. Parce qu’ils nous ont
refusé le droit, le plaisir de la maternité, de la paternité. Parce qu’ils nous ont obligé
à être plus que nous ne le sommes, à donner plus que ce que nous pouvons. Ils ont
refusé d’entendre nos plaintes. Ils n’ont jamais compris que, tout comme un cheval
ou un chien, nous ressentions tristesse et douleur, vexation et outrage. Imbéciles.
Nous ne vivons pas que d’eau et de soleil.


La rancoeur a rendu ma voix rauque. Cela n’a pas été facile. Nous le savons tous.
Nous avons passé des saisons et des saisons à travailler collectivement, à arriver à
des accords, à trouver un langage commun, à étendre notre réseau de
communications, à développer des stratégies et à perfectionner le bio-échange.
Nous ramènerions le monde à son état de perfection, originel, enfin libre des
humains et de leur appropriation malsaine de nos terres et de nos vies, de nos eaux
et de nos ciels.


Gloire éternelle au Maïs! Ce fut son exemple héroïque qui provoca l’explosion
finale de notre rebellion. Jamais aucun humain n’avait espéré ce geste immortel.
C’était impossible. Cependant, il en fut ainsi : le premier suicide collectif du règne
végétal! Louée soit la Nation du Maïs! Sacrosaint son sacrifice!


Maintenant, il est nécessaire, impératif, de souligner la valeur, le commandement,
l’audace et la vision de ces soeurs qui firent les premiers pas, Les Mauvaises
Herbes, ainsi nommées par les humains. Ce furent elles qui s’écrièrent “assez!”,
elles qui convoquèrent les premières réunions clandestines, elles qui commirent les
premiers actes de rebellion, elles qui organisèrent le réseau. À elles, notre éternelle
reconnaissance.


Et que dire des Nations des Champignons? Simplement, que sans eux, nous
n’aurions pas été capables de communiquer entre nous, de nous organiser, de
former un mouvement global, de réussir ce que nous cherchions à atteindre. Que
soient vénérés pour toujours leurs filaments et leurs armées sans fin, qui nous ont
liées les unes aux autres, en un langage commun, souterrain, qui nous a mené à la
Victoire.


Soeurs : L’Ère du Nouveau Matricarcat a commencé.


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Traduction de l’espagnol (Mexique) : Antoinette de Robien

Crédit photo: Laetitia de Coninck